
Jacques Hamaide: une vie
Né le 6 juillet 1926 et décédé le 9 août 2025
Les funérailles de Jacques Hamaide, se dérouleront ce jeudi 14 août 2025 à la collégiale.
C’est ce jeudi 14 août à 13h que les funérailles de Jacques Hamaide seront célébrées à la collégiale Sainte-Waudru.
Le défunt repose au funérarium Borgno, chemin de l’Oasis 23 à Mons.
Visites les mardi 12 août et mercredi 13 août de 17 heures à 19 heures.

Dossier réalisé par Hubert Wattier

Il a traversé un siècle, ce qui fait de lui un témoin privilégié du Mons qui passe. Il évoque ici son enfance et sa jeunesse rue du Parc.
En rendant hommage à son père, Caroline Hamaide indiquait l’autre jour qu’il travaillait avec elle sur un livre sur Mons : « Il rédigeait des anecdotes, des petits feuillets sur des histoires familiales, mais aussi, surtout, sur la ville de Mons. C’étaient des histoires sur Mons, des souvenirs des ruelles d’autrefois, des figures montoises, des réflexions sur la mobilité d’avant et d’aujourd’hui. Ce n’est pas un livre d’histoire, mais d’histoires au pluriel. » Le livre est presque terminé, sa fille espère le publier à la rentrée…
La rue du Parc, au carrefour de plusieurs mondes…
Et des souvenirs, il en avait… Né le 6 juillet 1926 au bas de la rue du Parc, il a donc bien connu ce quartier avant-guerre. Dans « El Crasmonciau », le trimestriel du quartier du Parc, il racontait en 1994 ses souvenirs. En voici quelques extraits.
« J’ai vécu ma première enfance dans un vieil immeuble 18ème, aux façades couvertes de crépi gris, si caractéristique dans le Mons d’alors. C’était la dernière maison en bas de la rue du Parc. Au carrefour de plusieurs mondes. D’un côté, le Crasmonciau, surplombé par le Mont du Parc, lieu de bien des misères, avec ses caches et ce qu’on appelait la caserne des femmes : cris de jour et drames de nuit. Et de l’autre côté, le bas de la rue, plein d’activités, de commerces, d’ateliers : pompe manuelle à essence, marchand de TSF, boucheries, boulangeries, épiceries, entrepreneurs-couvreurs, teinturier, cordonnier, poissonnier, libraire, coiffeur, vitrier, etc. Pratiquement, tous les corps de métier s’y côtoyaient ».
« Et tout dans le bas, au coin de la grande voirie, au pied de l’Institut Warocqué, là où je suis né, une imprimerie, celle du journal dont mon père était directeur, et d’où partaient ou arrivaient vendeurs, annonceurs, fournisseurs, courriers, dépêches et correspondants, où étaient débarqués bidons d’encre, puissants rouleaux de papier, tonnes de charbon… Une fièvre continuelle y régnait, qui ne s’arrêtait que tard dans la nuit, jusque très tôt le matin, ainsi que le dimanche ».

Une vie de quartier
« Au carrefour de l’avenue des Canadiens et de la rue du Parc, la grande voirie drainait tous les charrois tirés par des chevaux. Les mouvements des régiments de cavalerie et d’artillerie, de la gare aux casernes, empruntaient cette grande voirie, bordée d’arbres ornementaux (acacias et tilleuls taillés).
(…)
Fixés à l’angle des maisons de coin, comme des phares à la proue des bateaux, des réverbères au gaz assuraient l’éclairage des nuits et des longs jours d’hiver. Dans leur lumière, je regardais les longues lignes de la pluie ou les flocons de la neige…
(…)
L’été, les gens d’en face vivaient sur le seuil de leur porte. Parfois, aussi, c’était la ducasse du quartier, avec ses métiers forains et les airs mécaniques des manèges de chevaux de bois ».

Un enfant timide
Dixième et dernier d’une fratrie de dix enfants, Jacques nous a un jour confié que son tout premier souvenir d’enfance, c’est l’inauguration de la fontaine des combattants de 1830, installée en 1930 à la place Regnier au Long Col (et qui se trouve aujourd’hui au centre du square Saint-Germain).
Le jeune garçon fait ses primaires chez les Frères des Ecoles Chrétiennes, à l’époque à la rue Notre-Dame Débonnaire, à l’angle de la rue du Gaillardmont. Six ans plus tard, il « redescend » la rue des Telliers (où il aura plus tard son étude notariale) pour s’en aller au collège Saint-Stanislas, chez les jésuites, rue Ferrer (aujourd’hui rue des Dominicains), tout près de la maison familiale. Au collège, été comme hiver, il doit assister à la messe de 7 heures du matin.
« Souvent, l’automne, les vents charriaient les feuilles mortes en tourbillonnantes compagnies, vers le haut de la ville et, petit, je disais que les feuilles allaient à l’école, école qui a longtemps effrayé mon extrême timidité d’alors ».
Jacques Hamaide, timide : l’auriez-vous cru ? Quand on voit sa carrière : avocat durant 35 ans, notaire durant 11 ans, homme politique durant 42 ans… Il est vrai que notre homme a toujours eu un débit saccadé, mais c’est aussi sans doute parce que ses idées se sont toujours bousculées dans sa tête…
Dans une interview publiée en 2022 dans la revue « Contacts » des Anciens de Saint-Stanislas, Jacques s’était confié sur ses difficultés d’élocution, surtout en public, apparues très tôt chez lui. Les jésuites lui proposèrent bien d’essayer de corriger ces difficultés…mais il refusa, ce qu’il a longtemps regretté…
Dans cette même interview, il déclarait : « Le fil rouge de ma vie, ce sont les jésuites qui m’ont appris à penser librement. » Mais il ajoute : « J’ai eu plusieurs fils rouges dans ma vie : mes parents (éducation chrétienne et spirituelle), ma famille (une sœur et un frère religieux, et puis l’attachement viscéral à ma ville. »

La guerre
La Seconde Guerre mondiale a marqué le jeune homme, qui avait dix-huit ans à la Libération.
Dans un premier article, nous avons évoqué l’enfance et la jeunesse de Jacques Hamaide, né le 6 juillet 1926 dans la maison familiale du bas de la rue du Parc, qui était aussi le siège du journal « Le Progrès », dont son père était directeur.
En 1944 Jacques est en rhétorique à Saint-Stanislas. En avril, après Pâques, les alertes continuelles puis les bombardements alliés font que les jésuites veulent mettre leurs élèves à l’abri.
Les cours sont alors donnés à Hyon, au château Goffinet. Mais le château est réquisitionné par les Allemands et les élèves migrent alors vers la maison de la famille Fourneaux et ensuite, pour les examens, au Coloma, près de la place.
Leur professeur, le Père Antoine Borboux, est souvent absent pendant les heures de cours… Les élèves sauront plus tard qu’en fait il est fort impliqué dans l’armée secrète, aumônier d’un groupe de résistance.
A l’étage d’une boucherie…
Dans son interview parue dans le bulletin « Contacts » des Anciens de Saint-Sanislas, Jacques Hamaide explique que le groupe recrutait des guetteurs parmi les élèves. Leur mission : depuis le premier étage de la boucherie Denil à Ciply, observer et noter tous les mouvements suspects du trafic militaire sur la route de Paris.
Pour les 75 ans de la Libération, il avait évoqué cette période dans les colonnes du journal « La Province » : « Fenêtres bien ouvertes, nous repérions les sigles, les couleurs, les numéros sur les véhicules militaires correspondant à des régiments ou des unités. Nous remettions nos relevés au Père Borboux. L’ensemble collecté, transmis à des services d’interprétation, permettait aux Alliés de mieux déterminer l’importance, les mouvements et la position des forces. (…) Notre façon de travailler n’était pas sans danger. L’attention de quelqu’un de mal intentionné ou la simple observation d’un soldat allemand de passage aurait pu facilement faire soupçonner un comportement étrange. »
Volontaire de guerre
En septembre, une fois le pays libéré, Jacques Hamaide a le désir de s’engager comme volontaire. Inscrit à la faculté de droit de l’Université de Louvain, il s’engage avec un de ses frères. D’abord affecté à un bataillon de fusiliers pour une instruction d’un mois, il passe ensuite six mois dans un bataillon inscrit selon l’organisation britannique. On le retrouve alors à Audenaerde, en Irlande, en Angleterre, en Allemagne…
Quand la guerre prend fin, il retourne sur les bancs de l’Université, avec un programme adapté à son « retard » pour fait d’engagement.
Nanti de son diplôme de docteur en droit, il s’inscrit comme avocat au barreau de Mons où il plaidera durant 35 ans. Mais l’ancien volontaire reste passionné par l’armée : il effectuera cinquante rappels militaires.
Très attentif à maintenir vivace le souvenir des deux guerres mondiales, il aurait certainement participé dans deux semaines aux cérémonies commémoratives annuelles…


Jacques Hamaide, une vie : l’homme public, l’homme privé
Une carrière politique exceptionnelle dominée par un amour immodéré pour sa ville, mais aussi une vie de famille…
Dans nos deux précédents articles, nous avons évoqué l’enfance et la jeunesse de Jacques Hamaide, puis le tournant de la guerre et plus particulièrement la Libération en 1944.
Revenu à la vie civile, Jacques Hamaide est donc avocat au barreau de Mons. En 1959, il épouse Michèle Gauche, fille du notaire Charles Gauche. Il succèdera à son beau-père dans l’étude de la rue des Telliers où il exercera durant onze ans avant de transmettre les rênes à son fils Antoine.
Antoine est le cadet de la famille, il est né en 1963, deux ans après sa sœur Caroline. Ses deux enfants leur donneront cinq petits-enfants.
« Deux tempéraments hors du commun »
En rendant hommage au défunt, le bourgmestre Nicolas Martin écrit à propos de Madame Hamaide : « Avec son épouse Michèle, il formait un tandem unique en son genre. Digne d’un couple de cinéma des années 60, décapotable et cheveux au vent. Le mariage de deux tempéraments hors du commun. »
Cette union durera plus de soixante ans. Michèle Gauche meurt le 2 mars 2021, en pleine crise du Covid. Les funérailles devront donc se dérouler dans l’intimité…
Dans son interview parue dans le bulletin des Anciens de Saint-Stanislas, Jacques disait : « Après 61 ans de joies et de turbulences, mon épouse, un être littéraire et romantique, qui m’a tant épaulé durant sa vie, est morte d’épuisement. »
42 ans au conseil communal
Mais revenons aux années 1960 : Antoine et Caroline sont encore des bambins quand le virus de la politique gagne leur père. Il faut dire qu’il aime tant sa ville… Citons ici encore Caroline :« Ma maman disait qu’il était amoureux de sa ville, et c’était vrai. Il était passionné, le premier à défendre Mons. Il nourrissait mille espoirs pour l’embellir et veiller à ses intérêts. »
Au lendemain des élections de 1964, Jacques Hamaide entre au conseil communal de Mons. Il y siégera durant 42 ans, sur les bancs du PSC, devenu CDH. Un record : pour ce qui est de l’après-guerre : il est à égalité avec Elio Di Rupo, mandataire de 1982 à 2024.
Il fait ses armes comme conseiller au sein de la majorité « rouge-romaine » formée par les Socialistes et les Sociaux-Chrétiens.
En 1970, pas d’élections car on prépare une fusion des communes, le « premier Grand Mons » avec six communes. Le scrutin se déroule en juin 1971 mais il est annulé et on revote en octobre. Les deux vainqueurs sont le PSB (ancêtre du PS) et l’UDP (Union Démocratique et Progressiste) formée par René Noël, bourgmestre communiste de Cuesmes.


Echevin en 1972
Désireux d’élargir sa base, Léo Collard, alors bourgmestre, propose au PSC de rejoindre la majorité. Jacques Hamaide n’est pas très chaud mais il finit par accepter. Il entre donc au collège aux côtés de son colistiers Fernand Ducobu et obtient le portefeuille de l’expansion économique.
Et c’est parti pour une longue carrière d’échevin, avec d’abord trois mandats consécutifs où il a en charge, selon les mandatures, l’économie, le tourisme, les fêtes, la culture… C’est à ce dernier titre qu’il fait confiance à Georges Raepers pour réorganiser le Lumeçon qui part à vau-l’eau…
Il sera aussi Premier Echevin, toujours dans la coalition PS-PSC dirigée depuis 1974 par le bourgmestre Abel Dubois.
Les deux hommes s’entendent bien mais en 1988 le mayeur prend sa retraite. Aux élections d’octobre 1988, c’est Maurice Lafosse qui mène la liste socialiste. A l’époque, sa première place lui assure le poste de bourgmestre. Mais Elio Di Rupo, l’étoile montante, le bat nettement aux voix de préférence et revendique le mayorat… Il doit toutefois renoncer après une bagarre homérique et Maurice Lafosse devient bel et bien bourgmestre.
Lafosse n’est pas Dubois…
Mais le PS a décroché, pour la première fois de son histoire, la majorité absolue avec 25 sièges sur 45. C’est décidé, il gouvernera seul. Pour la première fois depuis 24 ans, Jacques Hamaide se retrouve sur les bancs de l’opposition…
Mais six ans plus tard, en 1994, la roue tourne et le PS doit de nouveau se trouver un allié. Les négociations avec le PSC débouchent sur la renaissance de l’alliance « traditionnelle ». Jacques Hamaide revient donc au pouvoir avec le poste de Premier Echevin.
Mais Lafosse n’est pas Dubois : le tandem sera moins serein. Annonçant l’accord entre les deux partis, le bourgmestre avait reconnu : « Je vais devoir apprendre à dire ‘nous’ »…


Il n’a cessé de penser à Mons
Arrivent les élections de l’an 2000. A 74 ans, Jacques Hamaide est toujours chef de file mais son parti s’écrase. Le PS d’Elio Di Rupo s’allie aux Libéraux de Richard Miller et c’est le retour dans l’opposition. C’est aussi la dernière mandature de Jacques Hamaide, qui quitte le conseil communal au lendemain des élections de 2006.
Mais notre homme ne s’enferme pas pour autant dans sa tour d’ivoire. L’actuel bourgmestre Nicolas Martin l’a dit dans son hommage : « Il était venu me voir dès mon élection comme Bourgmestre, et à plusieurs reprises par après. Nous aimions échanger ensemble sur notre village commun (Hyon) et sur la stratégie de développement de la Ville et sa dynamisation, une priorité que nous partagions. Il était heureux de voir Mons aller de l’avant, malgré les difficultés et les défis dus à notre époque. »
L’âge vient, mais tout nonagénaire qu’il soit Jacques Hamaide ne renonce pas à sortir de sa maison d’Hyon pour « descendre » en ville. Cette année, il est encore présent à la Ducasse et aux cérémonies du 21 juillet. Tout Mons espérait bien fêter le 6 juillet 2026 son centenaire : c’eût été un événement pour sa Ville qu’il aimait tant…
A quand une avenue, une rue ou une place Jacques Hamaide ?
Hubert Wattier