Marguerite Bervoets
En dehors de quelques personnalités politiques montoises, rares sont les personnes privées dont la mémoire a été honorée par l’attribution de leur nom à une voirie de l’intra-muros. C’est le cas de Marguerite Bervoets, en plein cœur de Mons.
Marguerite Bervoets est née à La Louvière le 6 mars 1914, à l’aube de la Grande Guerre et était la fille de la directrice du lycée de Mons. Son diplôme de philosophie et lettres en poche, elle enseigne à l’école normale de Tournai. « Elle avait voué sa vie à la littérature, et elle avait tous les atouts dans son jeu. Intelligente, cultivée, libre de disposer de son argent et de ses loisirs, elle semblait destinée à une carrière littéraire brillante et féconde. Tous ces avantages, elle n’a pas hésité à les sacrifier quand l’occasion lui a été donnée d’utiliser ses qualités de finesse et d’audace au service de la Belgique envahie. Elle n’a pas calculé les risques : elle n’a vu que le beau geste à faire. Et avec sa nature, il était presque fatal qu’il en fut ainsi »[1].
Un an après l’invasion allemande de 1940, elle rejoint la Résistance et fait partie du « Groupe des Cinq Clochers ». Elle publie avec Henri Deneubourg le journal clandestin « La Délivrance » et déploie une activité certaine mais, comme elle est forcément secrète, difficilement identifiable. Peut-être est-elle un agent de liaison entre des groupements de Lille et de Tournai ; peut-être aide-t-elle des parachutistes ? Il est certain qu’elle collecte des informations de type militaire (plan, photos, descriptifs), qu’elle détient des armes à son domicile, et qu’en avril, elle intègre La Légion belge avec son groupe tournaisien, devenu la section 803, et se met à son service. Elle a pour mission de mettre en place une antenne sanitaire et prend part à des actions de renseignement et d’exfiltration de pilotes alliés, elle cache des armes et est chargée de récolter des informations.
Le 8 août 1942, Marguerite Bervoets et Cécile Detournay se rendent aux abords du champ d’aviation de Chièvres dans le but de photographier des batteries antiaériennes récemment installées. Les deux jeunes filles emportent un sac à provisions et un appareil photographique. Elles gagnent les abords du terrain et commencent à prendre des clichés. Sans doute, ont-elles fait preuve de beaucoup trop d’insouciance, voire d’imprudence dans leur entreprise car, de grande importance militaire, le camp de Chièvres était particulièrement surveillé. Une sentinelle allemande les surprend et les conduit devant un officier. Les jeunes filles, montrant leur sac, lui disent qu’elles se rendent à une ferme voisine pour se ravitailler et affirment qu’elles voulaient juste faire quelques photos du paysage pour terminer leurs pellicules. Malheureusement, le lieutenant allemand ordonne une enquête. Lors de celle-ci, une femme, témoin à charge, conduira à l’inculpation de Marguerite Bervoets et de ses principaux dirigeants. Au domicile de Marguerite, on découvre quelques armes.
Après quelques mois d’incarcération à la prison hitlérienne de Mons, Marguerite Bervoets et Cécile Detournay sont déportées en Allemagne pour y être jugées par le Volksgericht de Leer. Détenue à la prison nazie de Wolfenbüttel, Marguerite Bervoets est jugée le 26 mars 1944 et condamnée à mort. Elle est décapitée le 7 août 1944 à 19 heures en même temps qu’une autre figure de la Résistance belge : Fernande Volral. Cécile Detournay sera libérée par les troupes américaines le 29 avril1945. Les chefs directs de Marguerite et de Cécile, Henri Deneubourg et Edouard Sourdeau, également arrêtés en août 1942, furent aussi guillotinés à la prison de Wolfenbüttel le 1er juin 1944.
La jeune fille avait, semble-t-il, pressenti son destin. Au lycée, elle citait souvent cette phrase de Maeterlinck : « Il est beau de savoir se sacrifier lorsque le sacrifice apporte le bonheur aux autres hommes. »
Dans une lettre d’adieu écrite le 13 novembre 1941, elle pressent son avenir :
Mon amie,
Je vous ai élue entre toutes, pour recueillir mes dernières volontés. Je sais en effet que vous m’aimez assez pour les faire respecter de tous. On vous dira que je suis morte inutilement, bêtement, en exaltée. Ce sera la vérité historique. Il y en aura une autre. J’ai péri pour attester que l’on peut à la fois aimer follement la vie et consentir à une mort nécessaire.
Il vous, incombera la tâche d’adoucir la douleur de ma mère. Dites-lui que je suis tombée pour que le ciel de Belgique soit plus pur, pour que ceux qui me suivent puissent vivre libres comme je l’ai tant voulu moi-même; que je ne regrette rien malgré tout. À l’heure où je vous écris, j’attends calmement les ordres qui me seront donnés. Que seront-ils? Je ne le sais pas et c’est pourquoi je vous écris l’adieu que ma mort doit vous livrer. C’est à des êtres tels que vous qu’elle est tout entière dédiée, à des êtres qui pourront renaître et réédifier. Et je songe à vos enfants qui seront libres demain. Adieu.
Marguerite Bervoets,
A la Libération, Marguerite Bervoets devient une icône de la Résistance belge. En son honneur – en plus de la rue qui porte désormais son nom – le lycée de Mons, où elle fit ses trois dernières années d’humanités et où sa mère fut directrice, porte son nom ; c’est aujourd’hui l’Athénée Royal Marguerite Bervoets. Mais Mons n’est pas la seule ville a l’avoir honorée : tant à Forest qu’à La Louvière et Tournai, des rues et équipements publics portent son nom : Le 17 novembre 1946 est inauguré dans la cour de l’École Moyenne de la rue de Bouvy à La Louvière, un monument dédié à Marguerite Bervoets et à Laurette Demaret, anciennes élèves de cet établissement. Une rue de Forest (à Bruxelles) porte également son nom et même une rue de Guyancourt (près de Paris). Il existe de nombreux monuments qui lui rendent hommage, tant en Belgique qu’à l’étranger (par exemple sur les bords du Lac de Côme). La 151e promotion Sciences sociales et militaires de l’École royale militaire a comme marraine Marguerite Bervoets. À l’école normale de Tournai (ISEP, rue des carmes), une plaque en hommage à Marguerite Bervoets est installée dans l’entrée[2].
[1]Marguerite Denée, amie de Marguerite Bervoets, dans le journal La Province de mars 1946.
[2]Source : Wikipédia ; Journal la Province de mars 1946.
Marguerite Bervoets — Wikipédia (wikipedia.org)
Bervoets Marguerite (belgiumwwii.be)
Maison du Souvenir – Marguerite Bervoets : une héroïne.
Athénée Royal Marguerite Bervoets – Accueil (arbervoets.be)
Les ouvrages de Philippe Yannart sont disponibles | Mons Blog