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Le singe du Grand-Garde sur la façade de l’Hôtel de ville de Mons

Le porte-bonheur de la ville

photo Mons INFO
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Le Singe du Grand Garde est une petite statue de fer forgé qui se trouve sur la façade de l’hôtel de ville de Mons.

 Cette statue est un symbole important de la ville et est considérée comme le plus vieux et le plus célèbre Montois 12.

 Le crâne de la statue est poli jusqu’à en patiner car les Montois et les touristes du monde entier caressent le singe pour porter chance 12.

L’origine de la statue est mystérieuse et trois hypothèses se confrontent 1:

  1. Chef-d’oeuvre d’un forgeron voulant accéder à la maîtrise dans sa profession (le singe est un animal en vogue durant le moyen âge).
  2. Enseigne d’une taverne qui se trouvait dans les caves de l’hôtel de ville. Cette “taverne” est supprimée en 1897.
  3. Pilori pour enfants “turbulents”. D’où ce dicton des environs de Mons: “Si tu n’es nié sache, ej’té mèn au sinche dé Mons”, littéralement “si tu n’es pas sage, je te conduirai au singe de Mons”.

Richard Miller, ancien échevin de la Ville, en effectuant des recherches sur l’histoire culturelle de Mons, croit avoir découvert des éléments permettant de connaître l’origine de la petite statue de fer forgé adossée à l’hôtel de ville. Extrait de l’interview accordée par M. Miller au journal La Province, en date du 3 septembre 2007 : « Ces éléments ne sont pas incompatibles avec les différents usages que l’on a prêtés à la célèbre statuette de fer forgé qui a été insérée, à une date inconnue, à la façade de l’hôtel de ville: pilori pour enfants punis, enseigne du cabaret qui se trouvait à cet endroit, statue-rébus signifiant saint Germain (singe-air-main) rescapée de la destruction de l’église Saint-Germain détruite par la Révolution française, et apposée sur la Grand-Place pour faire la nique aux révolutionnaires anticléricaux (cf.

 François Collette), ou encore porte-bonheur pour qui lui caresse la tête de la main gauche » 1.

En somme, le Singe du Grand Garde est un symbole important de la ville de Mons et son origine est entourée de mystère.

Trop « poli » pour être honnête

Le singe du Grand Garde est tellement caressé par les Montois mais aussi par les touristes du monde entier, que son crâne de polisson est poli jusqu’à en patiner.

Origines mystérieuses

Trois hypothèses se confrontent :

  • Chef-d’oeuvre d’un forgeron voulant accéder à la maîtrise dans sa profession (le singe est un animal en vogue durant le moyen âge).
  • Enseigne d’une taverne qui se trouvait dans les caves de l’hôtel de ville. Cette « taverne » est supprimée en 1897.
  • Pilori pour enfants « turbulents ». D’où ce dicton des environs de Mons: « Si tu n’es nié sache, ej’té mèn au sinche dé Mons », littéralement « si tu n’es pas sage, je te conduirai au singe de Mons ».

Richard Miller, ancien échevin de la Ville, en effectuant des recherches sur l’histoire culturelle de Mons, croit avoir découvert des éléments permettant de connaître l’origine de la petite statue de fer forgé adossée à l’hôtel de ville.
Extrait de l’interview accordée par M. Miller au journal La Province, en date du 3 septembre 2007 :

« Ces éléments ne sont pas incompatibles avec les différents usages que l’on a prêtés à la célèbre statuette de fer forgé qui a été insérée, à une date inconnue, à la façade de l’hôtel de ville: pilori pour enfants punis, enseigne du cabaret qui se trouvait à cet endroit, statue-rébus signifiant saint Germain (singe-air-main) rescapée de la destruction de l’église Saint-Germain détruite par la Révolution française, et apposée sur la Grand-Place pour faire la nique aux révolutionnaires anticléricaux (cf. François Collette), ou encore porte-bonheur pour qui lui caresse la tête de la main gauche ».

photo Ville de Mons
photo Ville de Mons

Symbole de l’esprit montois

Ces utilisations et significations ont très bien pu être assimilées au fil du temps par ce petit singe “malin” qui est également vu comme le symbole de l’esprit montois, libre et gouailleur. René Lemur insiste sur cet aspect et y voit aussi une nique, non plus à l’encontre des sans-culottes Français, mais des Grands d’Espagne qui furent maîtres des Amériques et de Mons: ils aimaient se faire représenter accompagnés de ces animaux exotiques symbolisant l’immensité de leurs territoires.

La question qui a retenu mon attention reprend le problème à l’origine: pourquoi un singe en fer forgé? Benoît Van Caenegem aborde plusieurs fois la question sous cet angle: le singe serait peut-être “le chef-d’œuvre d’un forgeron voulant accéder à la maîtrise dans sa profession”.

Il cite Gustave Casy, secrétaire du Syndicat d’initiative, qui en 1938 va plus loin: “…un curieux petit singe en fer battu, placé là, par une fantaisie d’architecte… œuvre d’un apprenti frappeur d’enclume qui désirait passer maître dans sa corporation, au XVe siècle, époque florissante de l’artisanat en notre ville ”.

Mais pourquoi un singe? Pourquoi, si c’est devant le mur que l’on reconnaît le maçon, est-ce devant le singe qu’on reconnaît le forgeron?

Voici quelques éléments nouveaux que je suis en mesure d’apporter: tout d’abord il faut rappeler que durant le Moyen Âge chrétien jusqu’aux XIVe-XVe siècles l’étude de la mythologie n’est pas favorisée pour des raisons religieuses, mais aussi à cause des difficultés rencontrées pour accéder aux textes originaux d’Homère, Virgile…

La connaissance qu’ont pu en avoir nos ancêtres médiévaux était indirecte, fondée sur des compilations, des sortes d’encyclopédies recopiées par des copistes. L’un des grands noms de l’histoire, Erwin Panofsky, en 1939, a mis cet aspect méconnu en lumière, et a donné des exemples dont un qui concerne la découverte et l’utilisation du feu à des fins artisanales, à travers le mythe de Vulcain (Héphaistos, en grec).

Des « sintiens » aux singes

En lisant directement Homère, on apprend que Vulcain, dieu du feu, de la forge et de l’artisanat boitait car Zeus dans sa colère l’avait lancé sur la terre où il était tombé sur l’île volcanique de Lemnos où il faut recueilli, soigné et élevé par les Sintiens (en latin “ab Sintiis”)

Personne ne sachant qui pouvaient bien être ces “Sintii”, scribes, copistes, lecteurs interprétèrent ces mots et les remplacèrent notamment par “ab simiis”, c’est-à-dire “par des singes”!

Cette interprétation reliant Vulcain et la forge aux singes recueillit suffisamment de succès pour être retenue non seulement par de grands auteurs et artistes des XIVe et XVe siècles, mais aussi pour être intégrée dans des ensembles architecturaux: à Ferrare (ville dont le saint patron est… saint Georges, patron… des forgerons et des métiers du fer!), au Palazzo Schifanoia, sur une fresque représentant la forge de Vulcain on peut voir des singes (dont l’attitude figée me laisse penser qu’il s’agit de statues).

Deux éléments paraissent nécessaires à un possible lien entre le singe de Mons et la forge: la présence d’une activité artisanale de forge suffisamment développée à Mons entre 1300 et 1500 et une diffusion de ce récit susceptible de gagner à l’époque la ville de Mons.

Ces deux conditions étaient satisfaites. Comme l’a montré le professeur Claude Gaier de l’Université de Liège, Jehan Cambrai domicilié à Mons peut être considéré comme un des tout premiers fabricants et marchands d’armes à feu de l’Europe Occidentale. C’est à lui que Philippe le Bon, duc de Bourgogne, a commandé en 1449 deux énormes bombardes, dont la “Mons Meg”.

Mais dès 1378, un canon pesant 9.500 livres fut forgé à Mons par dix-huit ouvriers en trois mois. La fabrique d’armes à Mons, à cette époque, est donc très réputée. Et on peut penser que ces gens attelés au travail du feu avaient une connaissance des symboles liés à celui-ci. D’autant que cette connaissance leur était nécessaire pour pouvoir répondre aux exigences de leurs clients demandant la représentation de telle scène ou de tel dieu, sur un mur, un meuble, une arme, un tombeau… Le type d’ouvrages de vulgarisation, encyclopédies et autres que j’ai évoqués, leur était aussi destiné.

Cette activité artisanale et commerciale paraît assez importante que pour être “reconnue” par l’autorité communale à travers un symbole placé sur la Grand-Place.

Quant au texte évoquant Vulcain et les singes, il se répandit au point que Boccace, auteur à succès de l’époque avec le Decameron, non seulement le reprend dans sa Généalogie des Dieux en 1363, mais le commente et l’explique: Vulcain n’est pas seulement forgeron, il est le véritable fondateur de la civilisation humaine.

Les singes, écrit-il, sont comparables aux humains en ce qu’ils imitent les comportements de l’homme tout comme l’homme imite les procédés de la nature grâce aux arts et techniques. Mais pour que l’homme soit en mesure de pratiquer ceux-ci, pour que l’homme devienne donc pleinement humain et se distingue du singe, il lui fallait le feu. A partir de ce moment les autres caractéristiques de l’humanité pouvaient se développer: la parole, l’habitat, la vie en communauté.

Le singe et le feu

Plusieurs peintres ont représenté ceci. Récemment le Musée du Prado a acquis une œuvre énigmatique du Greco. On y voit un singe soufflant sur le feu aux côtés d’un homme! Je signale également que d’autres civilisations ont considéré que le singe était à l’origine du feu et de la forge, notamment les Aztèques. Ce lien entre le dieu de l’artisanat et le singe a trouvé, durant le Moyen Âge dans nos régions, une autre expression à travers le vocabulaire du compagnonnage dont la hiérarchie était figurée par les animaux: le meilleur et le plus adroit était appelé le singe. Il primait sur le compagnon (le chien), l’aspirant (le renard) et le lapin (l’apprenti).

Enfin, Vulcain était boiteux: est-ce lui que le singe imite en se tenant la cuisse? Le singe se tient-il la cuisse parce que Vulcain, dieu des forgerons, était boiteux? ”

Porte-bonheur depuis 1930

Ne le répétez à personne! Mais la légende du singe porte-bonheur (si on le caresse de la main gauche uniquement) a été inventée de toutes pièces par Paul Heupgen (1868-1949), qui avait indéniablement le sens du marketing… avant la lettre. Il a écrit: « A la vérité, on ne sait d’où il vient, ni pourquoi il est là: il existe bien des hypothèses, mais on n’a aucune certitude. Aucune certitude, sauf celle-ci: quiconque le caresse, est assuré du bonheur au moins pour un an ».

Déjà en 1926

Dans un article qu’il consacre au singe, Emile Hublard affirme, en 1926: « … Tel qu’il est, il fait la joie des Montois, voyant en lui un porte-bonheur, une sorte de talisman que les petits caressent volontiers de la main, et que les grands regardent d’un oeil attendri ». Le 8 juillet 1928, le Prince Léopold et la Princesse Astrid (futurs Roi Léopold III et Reine Astrid) prennent déjà le temps de saluer le Singe. Et ce, deux ans avant la « création » de la légende du « porte-bonheur ». Paul Heupgen aurait donc mis en forme la légende du singe porte-bonheur à partir d’une pratique qui, semble-t-il, est déjà bien établie.

Première citation en 1843

La première désignation réelle du singe trouvée à ce jour est celle que donne, sommairement, en 1843, R. Chalon (1802-1889) dans une notice consacrée à l’hôtel de ville: « On remarque encore sur la façade de l’hôtel de ville, près de la première fenêtre à gauche de la porte principale, (…) un ouvrage de fer forgé assez singulier; c’est une petite figure de singe accroupi, d’un pied de haut environ. Je n’ai jamais pu deviner l’usage ni le symbolisme de cet hiéroglyphe municipal ». C’est Léon Dolez qui réalisera le plus ancien dessin connu du singe, le 27 octobre 1877.

Quel âge a-t-il ?

Le singe existait sûrement en 1843 et certainement bien avant cette année. On peut raisonnablement estimer qu’il est sur l’hôtel de ville depuis au moins la fin du XVIIe siècle! Est-il là depuis la réalisation de l’hôtel de ville au XVe siècle? Peut-être! A-t-il été placé sur la façade lors de l’une ou l’autre restauration du bâtiment? Peut-être! A moins que l’ouverture de la taverne située dans la cave ne marque son origine? Peut-être!

Ce que femme « voeu », le singe le peut

On dit en effet qu’une jeune fille désirant se marier voit son voeu se réaliser dans l’année si elle lui caresse la tête. On dit aussi que pour un jeune couple qui lui caresse la tête, c’est l’assurance d’un heureux événement dans l’année. Vous voulez une preuve? Le Prince Philippe et la Princesse Mathilde ont caressé ensemble la tête du singe le 9 février 2000, deux mois après avoir célébré leur mariage (4 décembre 1999 précisément). Un peu plus d’un an plus tard, le couple princier annonçait un heureux événement. Si ça ce n’est pas une preuve royale.

Singe du Grand Garde — Ville de Mons

Solidement attaché à la façade de l’Hôtel de Ville de Mons, il est probablement le plus vieux et le plus célèbre Montois. Son crâne poli est continuellement caressé par les Montois et les touristes de passage. Chaque hôte de marque de la cité est bien évidemment invité à le saluer à son arrivée en Ville.
Il a sûrement, comme le disent certains auteurs régionaux, « vu le Lumeçon plus de cent fois ».
Il ? Le Singe du Grand’Garde, bien entendu !
 
Le singe, animal accroupi, malicieux, qui se gratte la joue de la main gauche, est donc connu, et ce bien au-delà de son lieu de résidence. Connu ? Oui ! Mais que sait-on au juste de cette statuette qui a déjà fait couler beaucoup d’encre ?

Le Singe du Grand’Garde | visitMons – Portail Touristique Officiel de la Région de Mons

La Faculté Polytechnique de l’UMONS découvre que le Singe du Grand’Garde daterait du 15ème siècle !

PUBLIÉ LE 3 octobre 2023

RÉDIGÉ PARChristophe Morel

C’est une découverte qui ne passera pas inaperçue à Mons, et même ailleurs ! Alors que pas mal de doutes subsistent quant à l’origine du porte-bonheur de la cité montoise, la Service de Métallurgie de la Faculté Polytechnique de Mons vient de découvrir que le corps du Singe du Grand’Garde était constitué d’acier à bas carbone. Ce qui confirmerait son ancienneté et le daterait bien du 15e siècle.

Le Service de Métallurgie de la Faculté Polytechnique de l’UMONS vient de découvrir que le Singe du Grand’Garde, présent sur la façade de l’Hôtel de Ville de Mons, était constitué d’acier à faible teneur en carbone. Cette trouvaille intervient juste après l’autorisation reçue par le Service de Métallurgie en septembre dernier de prélever un échantillon (environ 1 gramme) du corps de la statue (voir photos en page 2) afin d’analyser sa teneur en carbone.

Pour rappel, un acier contient moins de 2% en poids de carbone, et une fonte ferreuse plus de 2% en poids. L’analyse chimique a eu lieu au Centre Terre et Pierre de Tournai. Les résultats prouvent que le corps du Singe est en acier à bas carbone, l’échantillon contenant environ 0.1 % en poids de carbone.

Ce constat étant fait, on peut donc en déduire que le Singe du Grand’Garde pourrait dater du milieu du 15ème siècle, à l’époque où la région de Mons était à son apogée dans la fabrication de pièces en fer « bas-fourneau » forgé. En témoigne la réalisation du « Mons Meg » (photo de gauche), une bombarde de 7.5 tonnes, forgée à Mons et offerte au roi d’Ecosse par le duc de Bourgogne en 1457. Cette bombarde est actuellement exposée sur le site du château d’Edimbourg en Ecosse.

L’acier obtenu par le procédé « bas-fourneau » ne passe pas par l’état liquide car la température maximale obtenue n’est que de 1100°C (il n’était pas possible de fondre de l’acier jusqu’au 17ème siècle environ). Ce procédé consiste en la réduction directe de petits morceaux de minerai en petits morceaux de fer par combustion du charbon de bois, ce qui conduit à une agglomération de ces morceaux de fer pendant la réduction, avec pour conséquence la formation d’une éponge plus ou moins dense prénommée « loupe ». Cette loupe de fer contient de nombreux défauts comme du laitier ou des morceaux de charbon de bois ou la présence de petites cavités.

Lors d’une conférence donnée à l’Artothèque de Mons le 16 février 2023 par le Prof. Fabienne Delaunois pour présenter ces résultats, certaines personnes présentes avaient émis un doute sur la nature du matériau utilisé. Selon les sceptiques, il était impossible de réaliser une statue de ce type en acier forgé. Le Singe devait donc obligatoirement être réalisé en fonte ferreuse et coulé dans un moule. Les récentes découvertes réalisées par le Service de Métallurgie prouvent le contraire.

La saga du Singe du Grand’Garde n’est donc pas encore terminée. Souvenez-vous, en novembre 2022, les analyses réalisées sur ce même Singe par le Service de Métallurgie avaient déjà beaucoup fait parler. Après avoir été enlevé de la façade de l’Hôtel de Ville de Mons pour cause de rénovation de bâtiment, il avait fait l’objet d’une étude approfondie de son état de surface. C’était également l’occasion d’essayer d’en savoir plus sur son origine, sa datation, et également sur sa composition chimique. Des sources diverses avançaient deux matériaux possibles pour sa réalisation : du « fer battu », c’est-à-dire de l’acier à basse teneur en carbone qui est mis en forme par forgeage, ou de la fonte ferreuse, un alliage de fer et de carbone qui contient plus de 2% en poids de carbone et qui est mis en forme par fonderie.

A la suite de ces analyses réalisées en novembre, le service de Métallurgie s’était orienté vers la réalisation de la statue par la technique du forgeage de blocs de fer de bas-fourneau comme cela se faisait vers le 15ème siècle jusqu’au début du 18ème siècle dans la région de Mons.

La Faculté Polytechnique de l’UMONS découvre que le Singe du Grand’Garde daterait du 15ème siècle ! – Faculté / FPMS